L. Marti: L’invention de l’horloger

Cover
Titel
L’invention de l’horloger. De l’histoire au mythe de Daniel JeanRichard.


Autor(en)
Marti, Laurence
Erschienen
Lausanne 2003: Editions Antipodes
Anzahl Seiten
141 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Marie-Jeanne Liengme

Comme l’indique d’emblée le sous-titre de l’ouvrage, le regard de la sociologue Laurence Marti s’est essentiellement concentré sur la figure emblématique de Daniel JeanRichard. On ne trouvera donc pas ici d’éléments nouveaux liés à la genèse de l’industrie horlogère dans les Montagnes neuchâteloises ou sur les mutations successives subies par le métier d’horloger dans l’Arc jurassien pendant près de trois siècles. L’attention de l’auteure s’est en effet tout entière portée sur les manières dont le récit primal d’Ostervald (la fameuse Description des Montagnes et des Vallées qui font partie de la Principauté de Neuchâtel, 1766), qui fait apparaître Daniel JeanRichard, évolue au travers du discours historique et contamine progressivement les champs artistiques, politiques, industriels, économiques, commerciaux, publicitaires, au fil du temps. On relèvera la riche iconographie (en noir et blanc) qui illustre et, souvent, étaie avec pertinence le propos ainsi que les nombreuses citations d’auteurs au travers desquelles serpente plaisamment l’étude. L’ouvrage est découpé en quatre chapitres (l’artiste – seconde moitié du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle –, l’horloger – de 1830 au tournant du XIXe siècle –, le fabricant – du début du XXe siècle aux années 1960 –, le commercial – des années 1970 aux années 1990), suivant la chronologie des sources de référence, de 1766 à 1992, auxquels s’ajoutent une introduction et une conclusion en forme de synthèse. Le corpus des données sur lequel repose l’analyse est «classique», au sens où la plupart des documents cités appartiennent aux sources connues, répertoriées, voire traitées, ou ayant été signalées dans nombre d’articles ou d’études publiés. La thèse essentielle développée tout au long de l’ouvrage repose sur l’idée que le personnage de Daniel JeanRichard a été instrumentalisé, dès l’origine, en fonction de l’évolution du milieu horloger et, plus généralement, de la société. Dans un premier temps, il a servi à asseoir un modèle de développement horloger proche des structures agricoles, fondé sur les théories des Physiocrates. Puis il a servi à symboliser la notion de progrès aussi bien social qu’industriel sur laquelle repose le développement horloger du XIXe siècle, avant de devenir le symbole du pionnier en qui se reconnaît l’entrepreneur des deux premiers tiers du XXe siècle, pour terminer par devenir le héros salvateur d’un monde horloger en crise profonde où priment les parts de marchés, le chiffre d’affaires et la capacité d’adaptation et d’innovation technologique. Pourtant, l’originalité de l’ouvrage ne réside pas dans le traitement du thème: comme le reconnaît Laurence Marti (pp. 104-105), la démarche poursuivie a été initiée par l’Institut d’histoire de l’Université de Neuchâtel à partir de 1991, avec la publication de divers mémoires ayant pour objet le rapport entre histoire, mémoire, contextes socio-économiques, voire culturels et mythes horlogers. Le caractère novateur de l’étude présentée ici réside dans le fait que la période considérée a été étendue au passé récent et qu’elle éclaire d’un jour nouveau les crises majeures du dernier tiers du XXe siècle. Notamment l’auteure développe l’idée que le fait «JeanRichard» est parvenu à la fin de son cycle en tant que sujet «historicisable» et, constatant que la nouvelle horlogerie a besoin de forger de nouveaux héros, montre que Daniel JeanRichard appartient désormais au domaine des objets fabuleux susceptibles de favoriser la consommation, d’incarner un produit, d’être l’emblème d’une marque de fabrique. De l’histoire au mythe, du mythe à la légende... commerciale.

En choisissant d’examiner l’invention de l’horloger en focalisant toute son étude sur le seul personnage de Daniel JeanRichard, l’auteure parvient à construire une démonstration convaincante et très bien structuréee, mais à laquelle il manque une dimension comparative (les autres figures emblématiques de l’horlogerie neuchâteloise ou française – Mégevand par exemple qui possède bien des similitudes avec Daniel JeanRichard du point de vue de l’instrumentalisation) ainsi que des approfondissements qui nuanceraient le propos, notamment du point de vue de l’histoire politique ou économique suisse ou neuchâteloise, des rapports avec le développement des syndicats ou du contexte social. Plaisant à découvrir et à lire, l’ouvrage incitera le lecteur à remonter le cours de l’histoire des garde-temps en ayant à l’esprit les clefs d’analyse qu’il propose et à (re)lire les études qui ont déjà paru sur ces questions.

Citation:
Marie-Jeanne Liengme: Compte rendu de: Laurence Marti, L’invention de l’horloger. De l’histoire au mythe de Daniel JeanRichard, Lausanne, Antipodes, 2003, 141 p. Première publication dans: Revue historique neuchâteloise, année 141-4, 2004, p. 281-282.

Redaktion
Veröffentlicht am
08.11.2010
Redaktionell betreut durch
Kooperation
Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
Weitere Informationen
Klassifikation
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit